10-03-2025 23:17 - L’immigration, le vivre-ensemble et le défi de construire notre nation

Le débat sur l’immigration a tenu en haleine l’opinion publique mauritanienne ces derniers jours. Les tensions sont montées, les voix se sont élevées, certains dénonçant la présence grandissante des migrants, d’autres appelant à une solidarité plus grande.
Mais derrière ces discours, la question fondamentale reste : comment construire une nation inclusive, unie, où chaque citoyen, qu’il soit mauritanien ou migrant, trouve sa place dans une société en pleine transformation ?
Aujourd'hui, plus que jamais, la question de l’immigration est au cœur de nos préoccupations. Mais n'est-ce pas aussi un miroir de nos propres défis internes ? Pourquoi ces jeunes, venus du Mali, du Sénégal, et d’autres pays d'Afrique, choisissent-ils de risquer leur vie pour arriver chez nous ? Ne faut-il pas d'abord nous interroger sur ce que notre pays leur offre ? Un futur ? Un espoir ? Ou sont-ils perçus comme des envahisseurs qui bouleversent notre harmonie, comme le dénoncent certains ?
L'immigration n'est pas seulement un phénomène mondial, c'est aussi le miroir d'une crise plus profonde chez nous.
En regardant les jeunes qui partent à la recherche d'une vie meilleure, n'avons-nous pas raison de nous poser des questions sur ce que nous leur offrons ici, sur leur place dans notre société ? Chaque jour, des jeunes mauritaniens, quittent ou rêvent de partir de leur terre natale, se lançant dans un périple incertain vers le Nicaragua, les États-Unis, ou au-delà . Pourquoi cette fuite ? Parce qu'ils ne trouvent pas d'avenir ici, dans notre pays.
Pendant que certains se battent contre la présence des migrants, qu’en est-il de ceux qui fuient notre terre, emportant avec eux nos rêves et nos espoirs ? Si nous devons poser des questions, c’est d’abord sur ce désespoir croissant qui pousse nos jeunes à partir, plutôt que de rester ici bâtir leur avenir. Le vrai défi est de reconstruire un pays où chacun a sa place, où les jeunes ne se sentent pas obligés de partir pour espérer une vie digne.
La Mauritanie a toujours été une terre de rencontres, de croisements culturels et humains. Nos ancêtres, qu'ils soient arabo-berbères ou africains noirs, ont vécu côte à côte dans un esprit d'ouverture. Aujourd'hui, la situation a changé, mais l'esprit de solidarité doit rester intact. Nos grands érudits, tels que Cheikh Saad Bouh, El Hadj Omar et Cheikh Ibrahim Niass, ont consacré leur vie à promouvoir l’unité et la fraternité entre tous les peuples. Ils nous ont appris que la véritable force réside dans notre capacité à vivre ensemble, à transcender nos différences.
Cheikh Anta Diop, dans son ouvrage Nations nègres et culture, nous rappelle que « nous avons la même origine et le même destin ». Cette phrase doit nous interpeller. En rejetant ceux qui viennent chez nous, ne sommes-nous pas en train de nous renier nous-mêmes, de renier cette histoire commune, ces luttes partagées ?
Les jeunes qui arrivent ne sont pas des envahisseurs. Ils sont comme ceux qui ont quitté leur pays dans le passé, en quête d’une vie meilleure. Aujourd'hui, ce sont nos propres jeunes qui fuient. Ce que nous devons faire, c'est reconstruire un projet national qui réponde à leurs aspirations, un avenir digne et prospère pour tous, où chaque Mauritanien, peu importe son origine, trouve sa place.
Si nous fermons les yeux sur cette réalité, si nous continuons à ignorer la souffrance de nos jeunes, nous risquons de voir notre pays se vider, non seulement de ses jeunes, mais aussi de ses valeurs. Mais si nous agissons, si nous réconcilions nos cœurs et unissons nos forces, nous pourrons créer un avenir où l’intégration des migrants et des jeunes locaux se fait naturellement, dans un esprit d’unité et de solidarité.
Le défi aujourd'hui est de reconstruire la confiance, de rétablir la place de chacun dans notre société. Et cela commence par un regard neuf, un regard solidaire, qui voit dans l'autre non une menace, mais un partenaire dans la construction de demain.
Ce n’est pas l’étranger qui menace notre pays, c’est notre incapacité à accueillir, à comprendre et à construire ensemble. Nous devons offrir un avenir aux jeunes qui restent, et à ceux qui sont arrivés, et rappeler à chaque Mauritanien qu'ensemble, nous avons un destin commun à protéger.
Mansour LY