26-07-2025 09:54 - Nouadhibou, miroir du marasme national

Nouadhibou, miroir du marasme national

À l’occasion de la visite du président à Nouadhibou, il ne suffit plus de dérouler les banderoles. Il faut parler avec vérité. Car les régions n’applaudissent plus : elles observent, elles attendent, elles se taisent, mais elles ne tarderont pas à gronder.

Nouadhibou, ville portuaire au potentiel immense, n’est plus qu’un nœud d’asphyxie : aucune planification urbaine digne de ce nom, un littoral livré à la spéculation, des services publics réduits à la survie, une jeunesse désorientée, des écoles délaissées. Et pourtant, c’est de ses eaux que l’État tire sa rente halieutique. C’est sur ses quais que transite le minerai de fer. Mais que lui rend-on ?

Partout ailleurs, le constat est le même : l’Inchiri voit ses minerais partir sans rien recevoir en retour ; la vallée endure l’extraction gazière sans retombées tangibles ; les régions de l’intérieur peinent à accéder aux services les plus élémentaires. Le pays est géré depuis le centre, mais il se défait par les marges.

Ce n’est pas qu’une crise de gestion. C’est une crise de vision, de compétence et de légitimité.

Mais il faut aller plus loin. Il faut faire appel à ce qui, en tout chef d’État, devrait primer sur l’instinct de conservation : l’intelligence du réel. Car le décor social ne tient plus.

La précarité défigure nos villes. L’exode des jeunes s’accélère. Les routes se dégradent jusqu’à l’insécurité. Les accidents meurtriers s’enchaînent, sans réaction. L’impunité s’installe. L’eau et l’électricité manquent. Et face à cela, l’appareil d’État reste figé, comme s’il s’était accoutumé à sa propre impuissance.

Ce silence n’est pas une stratégie. C’est un aveu.

Il est temps d’en finir avec une centralisation qui concentre les pouvoirs, les richesses et les privilèges. Il est temps d’ouvrir une nouvelle page : celle d’un État équitable, fondé sur un principe de justice territoriale. Un pourcentage clair et garanti des revenus tirés des ressources naturelles doit revenir, de droit, aux régions qui les produisent et les exportent.

Cela suppose aussi de doter les communes, les mairies et les conseils régionaux de pouvoirs réels, de prérogatives effectives, et surtout de moyens concrets pour exercer leurs missions. Une décentralisation sans transfert de compétences et de ressources n’est qu’un simulacre. L’État ne peut continuer à déléguer sans soutenir, ni à exiger sans équiper.

Ce n’est ni une faveur ni une concession : c’est une exigence de justice nationale. Une République qui exploite sans redistribuer ne construit pas l’unité — elle sème la rupture.

Concrètement :

• Une part des recettes issues de l’exportation du poisson et du fer doit revenir à Nouadhibou et à Zouerate — sous forme d’investissements, d’équipements publics, de financements locaux.

• Les ressources minières d’Akjoujt doivent structurer durablement l’Inchiri — routes, écoles, centres de santé.

• Les revenus du gaz doivent irriguer les communes riveraines — en infrastructures, en formation, en développement.

Cela ne relève ni du luxe ni de la faveur. C’est une exigence républicaine. Ce pays ne tiendra pas sur des incantations. Il tiendra sur des mécanismes clairs, sur un contrat refondé entre la nation et ses territoires.

Car à force de détourner les regards, on finit par ne plus voir la fracture qui s’élargit. Et un jour, les voix qui réclament équité réclameront autonomie. Puis séparation. Et ce jour-là, il sera trop tard pour parler de dialogue.

Personne ici n’appelle à la rupture. Mais beaucoup cessent de croire en la Mauritanie telle qu’elle est. Et ce désenchantement, s’il s’installe dans la durée, sera plus dangereux que l’opposition.

Le devoir des élites, aujourd’hui, n’est pas de durer. Il est de prévenir. De dire à ceux qui détiennent le pouvoir que la stabilité ne peut reposer sur l’inertie. Et que la paix sociale ne s’achète pas : elle se construit, elle s’honore, elle s’alimente de justice.

Il est encore temps d’agir. Mais l’histoire, elle, ne ralentit pas. Elle ne s’adapte pas aux prudences. Elle juge. Et parfois, elle balaie les hommes d’État comme on balaie les déchets.

Mohamed El Mokhtar Sidi Haiba





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Commentaires (5)

  • ouldsidialy (H) 27/07/2025 10:54 X

    Dans un pays comme la Mauritanie , ce genre de solutions économiques n'en sont pas car elles rompent avec la répartition solidaire des richesses nationales. Cette divagation n'est particulièrement pas crédible de la part de maures, de l'inchiri et des zones minières ,car ils mélangent 2 souhaits inconciliables. D'un côté, ils mettent en avant un égoïsme que tout le monde peut comprendre mais que chacun peut voir comme incompatible avec leurs intérêts et leur engagements dans la primauté de l'Etat national.

    1) Certaines oreilles puular, soninké sont espérées entendre quelque chose dans ce genre de lubie. La militance des gens de la vallée autour de la réservation des terres n'est pas de même chose que la revendication de privilèges à reconnaitre sur des ressources minières. Les sensibilités plus authentiquement fondées, des mauritaniens de la vallée cherchent à trouver davantage de place dans la construction étatique. Les maures du nord veulent rétablir leur surclassement de la période ould Taya, quand les mauritaniens de la vallée veulent faire du rattrapage économique et social. Les maures en général, se mettent le doigt dans l'œil quand ils croient que les gens de la vallée se laisseraient entrainer dans des intérêts qui ne sont pas les leurs.

    2) La jonction ne se fera pas avec les revendications des mauritaniens de la vallée mais non plus ceux des autres maures. Les gens de la vallée "sont des fonctionnaires" comme beaucoup de gens du trarza , du centre et de l'Est. Ils font des "fortunes à la bonne fortune" de l'administration. C'est une raison pour laquelle les revendications des mauritaniens de la vallée, du centre et de l'est sont des revendications de pouvoir ( et places) générateur de fortune. Les gens du nord ont un positionnement de commerçants à la recherche de "protections et garanties par l'exercice du pouvoir" . La pêche , le service auprès des miniers ont fait les fortunes familiales les plus durables et ont été l'apanage des gens du Nord. Il y a à présent du monde supplémentaire dans ces secteurs et c'est comme le reste. Les solutions pour tous ne sont pas dans l'instauration de privilèges de naissance régionale.

    3) Les revendications actuelles de certaines gens de l'inchiri et du nord, sont au fond une demande de retour à la situation de l'ère oud Taya, enrichi de l'état d'esprit azizien vis-à-vis de l'économie: agressivité entrepreneuriale, enrichissement décomplexé, fortune apatride

    4) Les mauritaniens ont l'habitude de leurs compatriotes de l'Inchiri et d'ailleurs ; de leur grand air de fierté haut portée. C'est maximaliste souvent, mais c'est à la fin toujours pragmatique. La Mauritanie est un pays où chacun peut ne pas se retrouver totalement; mais tout le monde finit par y rester, sans y être obligé.

  • Hartaniya Firilile (H) 26/07/2025 11:43 X

    Je venais de terminer la lecture de la contribution de Nana Mint Cheikhna lorsque j'ai découvert, dans la même heure, votre analyse sur la situation du pays. Vous y décrivez un dirigeant entouré de ses fidèles qui le rassurent constamment : tout irait parfaitement bien, rien ne manquerait, la population serait pleinement satisfaite et n'attendrait de lui que le salut et sa présence.

  • Hartaniya Firilile (H) 26/07/2025 11:43 X

    Monsieur Haiba, vous comptez parmi les rares Mauritaniens qui perçoivent le pillage de notre nation et qui ont le courage de l'exprimer ouvertement, tandis que la majorité préfère le profit silencieux, sacrifiant l'intérêt collectif pour préserver leurs revenus personnels et contribuant ainsi à l'appauvrissement général. Notre pays fonce vers l'abîme, comme je le constatais hier lors d'une conversation avec un ami dans les rues de Nouakchott. Selon lui, si Ghazouani poursuit pendant quatre années supplémentaires son œuvre de destruction nationale, il ne restera à la fin de son mandat qu'une coquille vide, fracturée en mille morceaux. Jamais nous n'avons connu pire dirigeant que Ghazouani.

  • Hartaniya Firilile (H) 26/07/2025 11:43 X

    Nos dirigeants doivent méditer sur les conséquences de leurs actions passées concernant les inégalités et injustices envers les plus vulnérables. La justice divine reste vigilante. Ceux qui ont commis des méfaits en souffrent aujourd'hui silencieusement. Les personnes ayant détourné les richesses nationales se retrouvent désormais dans les établissements de santé, accompagnées de proches également affectés - leurs enfants, conjoints et entourage souffrent aussi. Leur malheur persiste malgré leur fortune, car ils se sont nourris de gains illégitimes et malhonnêtes, acquis au détriment des démunis et par la souffrance du peuple. La providence divine existe et finit toujours par faire triompher la vérité.

  • Hartaniya Firilile (H) 26/07/2025 11:42 X

    Ghazouani s'avère être le président le moins efficace de l'histoire mauritanienne. Bien qu'il entreprenne des visites de terrain pour constater personnellement les dysfonctionnements, ces démarches resteront sans effet concret. Son incapacité à s'exprimer clairement constitue un obstacle majeur : soit il garde ses pensées pour lui, soit il les communique de façon si confuse que personne ne peut le comprendre, bredouillant systématiquement des propos inintelligibles. Sa visite à NDB risque donc d'aggraver la situation plutôt que de l'améliorer. Sa faiblesse manifeste le rend incapable de tenir tête à ses homologues sur la scène internationale.