02-08-2025 17:24 - En Mauritanie, Oualata, vieille ville médiévale rongée par le désert

En Mauritanie, Oualata, vieille ville médiévale rongée par le désert

SUD OUEST - Mangée par la poussée des sables, lessivées par les pluies, la vieille ville de Oualata fait face à l’exode de sa population et aux craintes pour la préservation de son patrimoine, ses bâtiments mais aussi ses bibliothèques millénaires.

Du toit de sa maison, Sidi Mohamed Lemine Sidiya contemple la cité médiévale de Oualata, au cœur du désert mauritanien : « C’est une ville magnifique, extraordinaire. » Ce trésor architectural lutte pourtant pour ne pas disparaître.

Surnommée « le rivage de l’éternité », Oualata fait partie des quatre ksour de Mauritanie avec Chingetti, Tichit et Ouadane, tous classés au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996. Grâce à leurs positions incontournables sur les chemins caravaniers du Sahara, ces cités fondées entre le XIe et le XIIe siècles ont prospéré jusqu’à devenir d’importants centres d’érudition de la culture islamique.

Dans les rues dépeuplées de la ville, sous une chaleur harassante, des amas de pierre et les murs éventrés témoignent des ravages de la dernière saison des pluies. « Les maisons sont tombées en ruines parce que leurs propriétaires les ont quittées », raconte Sidi Mohamed Lemine Sidiya, membre de la Fondation nationale pour la sauvegarde des villes anciennes à Oualata.

Sable et exode

Depuis des décennies, la ville subit l’exode de ses habitants à la recherche d’opportunités économiques, qui rend compliqué l’entretien des bâtisses historiques. Sur les 293 parcelles de la vieille ville, seules une centaine sont encore occupées, et la population y a considérablement baissé.

Les constructions traditionnelles recouvertes de banco, un enduit de terre rouge caractéristique de la région, sont conçues pour s’adapter à cet environnement extrême. La fraîcheur y règne à l’intérieur, même sous le soleil brûlant du Sahara. Mais elles doivent être entretenues après les pluies.

Or, la désertification n’incite pas les habitants à rester. Le phénomène touche 80 % du territoire national, provoqué par « les changements climatiques et les pratiques d’exploitation inadaptée », selon le ministère mauritanien de l’Environnement.

« Le désert a connu une période verdoyante » avant la poussée des dunes de sable il y a un demi-siècle, note Boubacar Diop, directeur de la Protection de la nature en Mauritanie. Vingt ans plus tard, l’intérieur de la mosquée de Oualata était tellement ensablé que « les gens priaient sur la mosquée », rappelle Béchir Barick, géographe à l’université de Nouakchott. Elle a depuis été dégagée.

Trésors de manuscrits

Oualata a conservé de sa gloire passée les superbes portes d’acacia peintes par les femmes selon des motifs traditionnels, et quelques milliers de manuscrits centenaires transmis de génération en génération dans 16 bibliothèques familiales.

"Oualata a conservé de sa gloire passée les superbes portes d’acacia peintes par les femmes selon des motifs traditionnels".

Assis en tailleur sur un tapis, Mohamed Ben Baty tourne les pages d’un manuscrit vieux de trois siècles : « Nous avons hérité cette bibliothèque de nos ancêtres, fondateurs de la ville. » Comme ses aïeux avant lui, cet imam est le dépositaire d’un savoir presque millénaire, descendant d’une longue lignée d’érudits du Coran.

Le fonds familial compte 223 manuscrits, dont le plus vieux date du XIVe siècle. Dans une minuscule pièce encombrée, Mohamed Ben Baty entrouvre un placard et dévoile son trésor : « Ces livres, il fut un temps, étaient très mal entretenus et voués à la destruction », raconte-t-il, montrant des tâches humides sur des feuillets glissés dans des pochettes en plastique. Autrefois, les ouvrages étaient rangés dans des malles, « mais quand il pleut, l’eau s’infiltre et peut gâter les livres ».

Les manuscrits ont bénéficié d’une aide de coopérations externes, comme celle de l’Espagne, pour leur restauration et numérisation dans les années 90. Mais faute de financements, leur préservation dépend de la bonne volonté de quelques passionnés comme Mohamed Ben Baty, qui ne vit pas à Oualata toute l’année.

« C’est un fonds documentaire riche et précieux pour les chercheurs : langues, sciences du Coran, histoire, astronomie… »

« La bibliothèque a besoin d’un expert qualifié pour assurer sa gestion et garantir sa pérennité. C’est un fonds documentaire riche et précieux pour les chercheurs : langues, sciences du Coran, histoire, astronomie… »

Difficultés économiques

Les revenus touristiques sont quasi inexistants. Oualata, située à deux heures de piste de la prochaine ville, ne compte aucune auberge et elle se situe en zone « formellement déconseillée » par de nombreux pays en raison de la menace djihadiste.

Reste quelques initiatives : un festival des villes anciennes est organisé chaque année dans l’une des quatre villes, pour récupérer des fonds investis dans les rénovations et le développement afin de maintenir les populations sur place.

En fin de journée, le soleil disparaît derrière la chaîne de montagnes du Dhaar et, dans la fraîcheur retrouvée, des centaines d’enfants envahissent les rues : Oualata reprend vie.





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