03-08-2025 01:01 - Réforme controversée à l’Assemblée nationale : l’opposition dénonce un verrouillage des enquêtes parlementaires

Réforme controversée à l’Assemblée nationale : l’opposition dénonce un verrouillage des enquêtes parlementaires

La Dépêche - Adopté le 30 juillet, la veille des vacances parlementaires, le nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale déborde sur la place publique. L’opposition n’y va pas du dos de la cuillère et pointe « un durcissement des conditions de création des commissions d’enquête parlementaire » comme une prime à l’impunité.

La session parlementaire s’est achevée, mais la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale continue de faire des remous. Pour la majorité, il s’agit d’un texte technique visant à « moderniser et rationaliser » le fonctionnement parlementaire.

Pour l’opposition, c’est une tentative à peine voilée de neutraliser l’un des derniers outils de contrôle entre les mains des élus : les commissions d’enquête parlementaire (CEP).

L’opposition accuse le régime de vouloir par de telles mesures renforcer l’opacité et à assurer l’impunité des gestionnaires publics. A noter que Tawassoul, le plus grand partie d’opposition, représenté à l’Assemblée, a été associé à la commission de réforme.

«Faire barrage à la transparence » selon l’Opposition

Ce changement fait grincer des dents. Pour Ould Maouloud, le nouveau texte, qui introduit 42 articles supplémentaires, modifie en profondeur la procédure de mise en place des CEP. Ces commissions, devenues emblématiques lors de «l’affaire de la décennie » – une vaste enquête sur la gestion des deniers publics sous le précédent régime – semblent désormais bien plus difficiles à activer.

Mohamed Lemine Ould Sidi Maouloud, député de l’opposition, est l’une des voix les plus critiques de cette réforme. Invité sur la chaîne Sahara24, il n’a pas mâché ses mots : « Ce règlement est conçu pour entraver toute tentative de révéler les détournements de fonds publics. »

Avant 2019, la procédure était relativement simple : une enquête pouvait être initiée à la demande de 10 députés issus de différents groupes, ou par un groupe parlementaire seul. C’est-à-dire 7 députés, explique Ould Maouloud. En l’absence d’opposition au projet de mis en place d’une CEP dans les 24 heures, ou si les deux tiers des députés ne s’y opposaient pas, la commission était ainsi créée.

Mais selon Ould Maouloud, depuis une réforme discrète en 2022 — passée sous silence médiatique — les règles ont changé. Il faut désormais l’aval d’au moins 20 députés. Les délais de contestation sont passés de 24 à 72 heures, et un retrait peut être demandé par deux tiers des députés présents — un seuil plus facile à atteindre dans une assemblée peu assidue.

Dernier durcissement en date : la création d’une CEP nécessite désormais l’accord d’au moins 7 % des députés issus de deux groupes parlementaires différents. Le rejet, lui, peut être prononcé par la majorité des députés présents, ce qui augmente considérablement le pouvoir de blocage de la majorité, se lamente Ould Maouloud.

Des parlementaires inféodés à l’exécutif

Ould Maouloud se dit surtout sidéré par cette réforme « sous surveillance du ministère de la Justice ». Selon lui, l’article 124 du nouveau règlement oblige le président de l’Assemblée nationale à informer le ministre de la Justice de toute tentative de mise en place d’une commission d’enquête. Pire encore, ce dernier peut, une fois la commission installée, demander son dessaisissement car une enquête judiciaire aurait été initiée par le pouvoir judiciaire.

« C’est une soumission inédite du pouvoir législatif à l’exécutif », dénonce Ould Maouloud. Selon lui, cette disposition vide de sa substance le rôle de contrôle du Parlement.





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Commentaires (4)

  • ouldsidialy (H) 03/08/2025 14:57 X

    C'est incroyable ! On voit ici la traduction de la négligence du pouvoir exécutif depuis 1960. Sachant ne pas dépendre fondamentalement de la démocratie, aucun pouvoir depuis 1960 n'a été vraiment inquiété par l'idée de son renversement institutionnel.

    1) Ainsi, trainait-il dans les textes, qu'une poignée de 7 parlementaires pouvaient s'attaquer à l'administration comme à la fonction présidentielle. La négligence a fini par être instrumentalisée pour sortit du jeu un ancien président, récalcitrant à lâcher le pouvoir. Lequel emploi, a conduit l'exécutif à enfin réfléchir, de bon sens.

    2) La commission AZIZ a fait pousser des ailes et des prétentions à des ambitieux . Notre député, aux canines qui traversent le plancher, est dépité. Hélas, pour lui, le parlement n'est pas fait pour faire et défaire les régimes en Mauritanie. Il peut être un bon appui pour certaines carrières, surtout non politique ! Mais pas pour toutes. On lui conseille de voir s'il n'a pas dépassé l'âge limite pour s'enrôler dans l'armée…..

    3) Les civils "putschistes démocratiques" ont toujours eu du mal à s'y faire avec les contraintes des institutions rigoureusement démocratiques. C'est une des raisons pour laquelle ils s'entendent si bien avec les putschistes tout courts.

  • Sidi Med vall (H) 03/08/2025 09:37 X

    Je tiens à remercier Monsieur le député pour sa précision et sa position courageuse, saluée par les Mauritaniens. Votre équipe dénonce avec justesse les dysfonctionnements au sein d'une chambre basse devenue chambre d'applaudissements. Ce que certains députés semblent ignorer, c'est l'inévitable changement de situation.

  • Sidi Med vall (H) 03/08/2025 09:36 X

    Qui aurait pu imaginer Aziz emprisonné malgré toutes les protections légales qu'il avait établies pour lui-même et sa famille? Depuis six ans maintenant, il fait face aux tribunaux, et ce n'est pas terminé. Que les députés votent et prennent toutes les dispositions pour se protéger, la justice accomplira sa mission quelle que soit la situation future. Prétendre que les députés ne peuvent pas constituer des commissions d'enquête comme ce fut le cas pour Aziz, c'est méconnaître profondément les Mauritaniens, plus changeants que des caméléons, ne reconnaissant que ceux au pouvoir.

  • Sidi Med vall (H) 03/08/2025 09:35 X

    Durant l'ère Ghazouani, le pays a été pillé systématiquement, sans aucune compassion pour la population. Sous sa gouvernance, il a fait bien pire, multipliant par dix les gaspillages commis par le président Aziz et son gouvernement. Un jour, la vérité éclatera, et il se retrouvera comme son prédécesseur. C'est inéluctable - il sera jugé et condamné pour crimes économiques.