10-08-2025 12:20 - Au Sahel, la fin de l’influence algérienne profite au Maroc

Jeune Afrique -
Les offres de médiation d’Alger auprès du Mali et du Niger se heurtent au refus des autorités militaires en place. Entre rivalités régionales, changement de perception stratégique et montée en puissance du Maroc, la diplomatie algérienne peine à retrouver sa place au Sahel. L’analyse de François Soudan, au micro de RFI.
Fin juillet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune proposait de jouer les médiateurs entre Bamako et les rebelles touaregs du Nord-Mali. Mais l’initiative n’a guère de chances d’aboutir. « Il s’agit davantage d’une posture que d’une offre sérieuse », estime François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans La Semaine de JA, sur RFI.
« Le président Tebboune sait parfaitement que Bamako refuse toute médiation étrangère dans ses affaires intérieures, et plus encore celle d’Alger, accusée d’héberger plusieurs leaders de la rébellion, ainsi que l’imam Dicko », rappelle-t-il.
Une méfiance qui trouve son origine dans « une divergence fondamentale : l’Algérie cherche à ménager les Touaregs maliens pour éviter un débordement du conflit sur son propre territoire, riche en installations pétrolières et gazières stratégiques ».
L’accord d’Alger enterré
La perte d’influence de l’Algérie au Sahel s’illustre par deux revers majeurs : le retrait du Mali de l’accord d’Alger, en janvier 2024, et le refus par Niamey, en octobre 2023, d’une transition civile proposée par Alger. Sur le premier point, l’adoption de la Charte pour la paix, dont la rédaction a été pilotée par Ousmane Issoufi Maïga, a constitué la touche finale à la remise en cause de l’accord signé, en 2015, à Alger, entre les belligérants. « Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires à Bamako et Niamey, la position traditionnelle de médiatrice qu’occupait l’Algérie n’est plus acceptée », constate François Soudan.
Si Alger dénonce des « influences étrangères hostiles » – du Maroc à Israël en passant par les Émirats arabes unis –, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique rappelle que « les causes sont aussi internes : plus d’une décennie de repli sur soi, entre maladie du président Bouteflika et contestation populaire, a figé la vision algérienne du Sahel comme un glacis sécuritaire, et non comme une zone d’opportunité économique ».
Le Maroc avance ses pions
Face à ce repli, Rabat avance ses pions. « Le Maroc agit avec un projet global d’influence, structuré, qui combine économie, religion et sécurité », explique François Soudan. Cette « stratégie atlantique » vise à connecter les États sahéliens enclavés à l’océan, un pari ambitieux qui reste « largement au stade des annonces, mais qui a du sens sur le plan géopolitique ».
Deux des quatre otages marocains retenus depuis janvier 2025 par le groupe État islamique dont la libération a été annoncée le 3 août par les autorités maliennes.
En effet, « les trois pays de l’Alliance des États du Sahel constituent un marché prometteur pour Rabat, tout en lui offrant un rôle d’intermédiaire entre l’AES, l’Europe et la Cedeao », juge François Soudan.
Par François Soudan