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Un rappel Facebook… et une leçon sur les caprices du pouvoir / Par Mohamed Fall Sidatt
Mohamed Sidatt -- Aujourd’hui, Facebook m’a rappelé une date que, moi, je n’ai jamais oubliée : celle où l’ancien ministre de la Transformation Numérique, M. Ould Louly, a mis fin — unilatéralement, sans préavis, sans explication et sans la moindre compensation — à ma mission de consultant auprès de la Direction de la Modernisation.
Ce souvenir n’est pas douloureux en soi. Il marquait la fin d’un chapitre professionnel — et d’ailleurs, cette même opportunité m’a été confiée à nouveau, sous d’autres cieux.
Ce qui en fait une blessure, c’est ce qu’il révèle : un système où une carrière peut être brisée sur un simple caprice. Sans procédure, sans justification, sans le moindre respect des engagements contractuels les plus élémentaires.
Pourtant, malgré les nombreuses réserves émises à sa nomination — certains le présentaient comme une figure de la gabegie, à la tête d’une entreprise impliquée dans le très controversé système d'information financière Rachad, ainsi que dans l’application MyCeni, tristement associée à des fraudes électorales, et en flagrant conflit d’intérêts avec ses nouvelles fonctions ; d'autres le disaient arrogant, imbu de lui-même — j’avais, peut-être naïvement, choisi de lui accorder le bénéfice du doute.
Je voulais croire à une version plus prometteuse : un ministre jeune, pieux, issu d’un milieu historiquement proche du mien, porteur — espérait-on — d’une vision plus moderne, plus juste, plus équitable de l’administration.
Mais la réalité s’est rapidement chargée de dissiper cette illusion. Faute d’explication officielle, une version officieuse a circulé : il s’agirait d’un règlement de comptes visant à écarter ceux perçus comme proches de son prédécesseur, M. Moctar Ould Yedaly — une rivalité tristement ordinaire dans notre administration, où chaque nouvel arrivant se croit obligé de s’opposer à son prédécesseur.
Mais la vérité est sans doute plus simple — et plus cruelle encore. Zeki Boumediana, alors directeur de la Modernisation, et moi-même étions des cibles faciles. Sans appui politique, nous faisions de parfaits boucs émissaires à sacrifier pour "faire de la place".
Pourtant, mon recrutement était antérieur à la nomination de M. Yedaly. Il reposait exclusivement sur mes compétences techniques. Mon contrat — modeste, à peine cinq millions MRO par an — ne dépendait ni du cabinet ministériel, ni de réseaux d’influence, ni d’un quelconque agenda politique.
Contrairement à beaucoup, je ne suis pas motivé par l’argent. J’avais quitté une carrière stable et bien rémunérée aux États-Unis pour revenir servir mon pays. Durant tout le mandat de M. Yedaly, je ne l’ai croisé que deux fois, brièvement, dans un cadre strictement professionnel. Aucun privilège. Aucun passe-droit.
Quant à Zeki Boumediana, son éviction est encore plus révélatrice. Recommandé par l’ENA pour piloter l’élaboration de la stratégie nationale de modernisation, il s’était distingué par sa rigueur, son efficacité, et son attachement sincère au service public.
Sa nomination à la tête de la Direction de la Modernisation était la suite logique de ce parcours. Son limogeage brutal, sans explication ni justification, parle de lui-même. Dans cette logique perverse, le mérite devient suspect, et l’intégrité, un handicap.
Ce qui rend cette affaire encore plus douloureuse, c’est sa dimension personnelle et familiale. Comme un rappel cruel de cette vérité que la vie enseigne parfois :
Le mal ne vient pas toujours de l’étranger.
Je ne célèbre pas cette date. Mais je la médite. L’hégémonie de Fir’aoun et Hâmân, opposée à la justice portée par Moussa, conserve une troublante actualité.
Le pouvoir est une épée à double tranchant : il peut servir le bien, ou être instrumentalisé pour nuire. Mais une chose demeure certaine : la justice finit toujours par prévaloir. Même lorsqu’elle prend des chemins lents et silencieux.